En retraite. Ca te bouffes de l'intérieure de te dire qu'au vénérable âge de quarante deux ans, on t'as foutu à la retraite. Ta vie à basculé en l'espace de quelques semaines, quelques mois à peine. Forcé de quitté ce qui te faisais te sentir le plus en vie. Forcé de quitté les stades, la foule, le jeu. De te cantonner aux quelques autographes et photos que l'on prend de toi de temps à autre. Jusqu'à ce qu'un jour, tu le sais, tu ne tombes définitivement dans l'oublie. Que l'on ne se souvienne de toi que lorsque tu émettra ton dernier souffle. Tu peines à encaisser d'être mis sur la touche, tu peine à comprendre comment tout à pu changer en si peu de temps. Comment de meilleur joueur tu as pu passer à père de famille. Ce rôle que tu as délaissé pendant plus de dix ans. Ce rôle que tu as tenté d'oublier, persuadé que ton aimable ex femme gérerait votre petite famille. Que tu n'aurais plus à endosser ce rôle de père qui ne colle pas à la peau. C'était mieux. Pour toi, pour elle, pour les gamins, pour tout le monde. T'étais pas là, t'étais distant, pas à ta place. Tu faisais plus de mal que de bien, et si l'espace de quelques temps tu as eu des doutes sur ces ressentis, tu te les reprends en pleine gueule depuis ton retour. T'es toujours pas à ta place.

Petit à petit, pourtant, tu tentes de reprendre tes marques dans cette ville qui t'as vu grandir. Tu retrouves de vieux amis, tu fais de nouvelles connaissances. Tu fuis aussi, on va pas se mentir, tes enfants et la déception dans leurs regards. Extérieurement tu démontres une assurance et une confiance en toi sans faille. Intérieurement tu ne sais plus qui tu es ni ce que tu es censé faire. Mais pour ce soir, tu oublies. Tu occultes absolument tout, laisse ta vie, ta retraite, tes enfants, ton divorce, ta célébrité... Tout. Ce soir tu n'es qu'à elle. Garé dans l'allée, tu dévale les escaliers de son immeuble, frappe doucement à la porte de la demoiselle et attends patiemment qu'elle ne vienne t'ouvrir. Médée. Ton sourire s'illumine à la vue de cette petite brune. Elle a quelque chose dans le regard, quelque chose en plus de sa beauté naturelle qui t'intrigues. Elle te plaît, tu ne l'as jamais caché de toute manière. T'es toujours plutôt cash en général, quitte à te prendre des vents à en devenir une éolienne. "Bonsoir..." Presque malgré toi, tu détailles la jeune femme, observe l'élégance dont elle semble dotée à toute épreuve. "T'es ravissante." Tes lippes s'étirent une nouvelle fois, tandis ce que tu te décales de l'encadrement de sa porte d'entrée. "T'es prête ?"

Perdu, tu tentes tant bien que mal d'allier ta nouvelle vie de retraité avec ton rôle de père. Celui que tu as laissé tomber, celui que tu ne pensais pas retrouver. Bien conscient qu'il te faudrait plus que quelques semaines pour gagner de nouveau le coeur de tes chérubins. Et as tu seulement l'envie ? Tu n'es toujours pas le père que tu devrais être, l'homme que tu aurais aimé être pour eux. Pas à la hauteur. Pas assez présent, pas assez aimant. Pas assez tout court. La retraite te va mal, mais tu te rassure en te disant que les Spotlight sont encore là. Que les interview, photoshoot et autres conneries occupent encore bien ta vie. Tu n'iras pas à la casse tout de suite. T'en avais peur, de l'ombre. Que tout s'arrête subitement du jour au lendemain. Que tout t'échappes, encore une fois. Tu l'as redouté ce dernier match, Rayden, angoissant comme jamais auparavant. Pas pour le résultat, mais pour le sifflet final qui posera le point final d'une carrière longue de presque trente ans. T'étais qu'un gosse quand t'as commencé. Dans le fond tu n'as connu que ça, que cette vie là. Alors redescendre sur terre... Tu n'es pas encore prêt pour ça.

Chassant toutes ces pensées, ces questions, ces inquiétudes de ta cervelle, tu grimpes les marches de ton immeuble quatre à quatre, rejoignant la porte d'entrée de la belle brune. Ce soir il ne sera question que d'elle, que de vous. Peu importe où ça mène. Un baiser, un nuit, ou plus. Peut être simplement qu'une belle amitié en découleras, à vrai dire tu t'en fiches. Tu ne veux pas te prendre la tête, tu veux profiter de l'instant présent, Rayden. Vivre d'abord, réfléchir ensuite. Et elle t'ouvres la porte, illuminant ton visage d'un doux sourire. Tu ris à son geste, descend à ses côtés pour te glisser à l'extérieur du bâtiment tandis ce qu'elle part dans un monologue lorsque vous atteignez la voiture. Tu t'arrête, hoche la tête en te pinçant les lèvres, les opales rivées dans les siennes. "Tu sais qu'on va juste boire un verre, hein ?" Avec douceur, tu poses tes mains sur les épaules de la jeune femme, avant de reprendre. "Je ne me sens ni gêné ni obligé à quoique ce soit. Et j'espère que ce n'est pas ton cas non plus...Je ne me poses aucune question, il n'y a aucune promesses entre nous... Médée, respire. Profites." Elle a les idées en vrac, la brune, ça se ressent. Le cerveau à vive allure, continuellement, là où toi, Ramirez, tu arrives à te la vider complètement pour te focaliser sur elle. Tes mains glissent, quittent ses épaules tandis ce que tu ouvres la portière à la demoiselle pour l'inviter à s'engouffrer dans ta voiture de luxe. T'aimerais ne pas être un cliché, mais faut bien avoué que l'agent et la célébrité se ressentent dans tes biens. A ton tour tu rentres dans l'habitacle, sourit à Carrington en démarrant l'engin. "Je te fais confiance pour le lieu ma belle parce que je suis complètement perdu. Dix ans après, j'ai l'impression de découvrir une toute autre ville, c'est fou." Tout a tellement changé depuis ton départ. Tu n'as plus aucun repère. Tu te laisse guider par la demoiselle, gare ta voiture non loin du bar et lui rouvre la porte. T'as des manières, Ramirez, tu as été bien élevé après tout. Tes prunelles observent les alentours en entrant dans ce petit bar, cherchent une table où vous pourrez vous installer sans être déranger. Tu n'as aucune envie d'être reconnu, aucun envie d'être importuné, pas ce soir. "Je vais commander, qu'est-ce que tu veux boire ?"