moe / come hell or high water, time's gonna have the final say

come hell or high water,
time’s gonna have the final sayw/@moe dyers — tw: cancer, décès.

La nouvelle n'aurait pas dû le prendre de court mais, Heath, contre toute logique et en dépit de son pessimisme habituel, il s'était pris à espérer. Prier, avec des mots qu'il ne connait pas, et en direction d'il ne sait ni quoi ni qui, mais ce n'est pas ça qui compte, n'est-ce pas ? C'est le sentiment, la ferveur. Enfin, c'est ce qu'il a cru, mais peut-être a-t-il fait les choses de travers quelque part, peut-être que ç'a fait une différence, peut-être qu'il aurait pu faire plus. Etre présent, pour commencer, mais il a plutôt choisi de se compliquer la vie. Il aurait pu (dû ?) mettre sa saison en pause et profiter des derniers mois auprès de sa tante mais, Heathcliff, il fait mal face aux problèmes, aux imprévus, et à la vie tout court. Il pourra dire que c'est ce qu'elle aurait voulu, et il n'aurait de toutes manières rien pu faire s'il avait été là, mais c'est l'angoisse plus qu'une conscience professionnelle tordue qui l'a tenu éloigné. Plus que l'inquiétude de prendre du retard, d'être oublié, dépassé, il a craint de faire face à la maladie et la perte. Ses excuses étaient toutes trouvées, et il a profité de chacune d'elles pour éviter de voir Julie dépérir, la famille s'endeuiller, se battre dans le vide. Mais il a espéré, oui, malgré tout, malgré lui, jusqu'à l'appel de sa mère qui, avant même qu'il ne décroche, était sans équivoque. Un pressentiment, une prédiction peut-être, mais il a su avant de l'entendre, avant même le premier mot prononcé, les salutations échangées. Comme s'il n'avait fait que l'attendre, ce coup de fil, ce coup de grâce.
Et il y a Moe, jusqu'ici évité, lui aussi, le visage de ces regrets accumulés, cette distance imposée. Il l'a à peine croisé à l'enterrement, et il mentirait s'il disait qu'il ne l'a pas fait au moins un peu exprès. Il mentirait tout autant s'il disait qu'il n'avait pas évité tout le monde, pour diverses raisons. Les larmes cachées, le deuil préféré en tête à tête avec lui-même, la perte plus difficile à avaler qu'il ne l'aurait pensé. Quelque chose à voir avec le peu de famille proche qu'il ait jamais eue, quelque chose d'inconciliable entre son image de la famille (distante, inexistante, non importante) et ce qu'il ressent, ce qu'il a ressenti à la minute où le diagnostic a commencé à s'assombrir.
Moe qu'il retrouve aujourd'hui, assis devant sa maison. Il ne s'attendait pas à le voir tout de suite, pensait avoir le temps de frapper à la porte et d'attendre qu'il ouvre pour se recomposer — voire changer d'avis. Mais les regards se confrontent presque aussitôt qu'il a quitté la sécurité de l'habitacle de sa voiture, la portière qui claque audiblement derrière lui et la tête de l'oncle par alliance qui se dresse pour chercher l'origine du son. Il s'avance, Coleman, plus le choix. « Hey. » La voix est rocailleuse, la dureté du son coincé dans la gorge trop longtemps, lèvres scellées et mots tus depuis de trop longues heures. Il toussote, déglutit. « Je te demande pas comment tu vas… », qu'il reprend, droit au but, tentative de faire passer plus rapidement la phase malaise, la phase mensonge quant à leurs émotions respectives quelques jours à peine après leur dernière, et rapide, entrevue. Il hésite, les mains qui s'enfoncent dans les poches, pour éviter de croiser les bras, ou de nerveusement jouer avec ses doigts à l'image d'un enfant qui ne saurait s'exprimer. S'excuser, peut-être, mais il sait que Moe balaierait les mots qu'il dirait n'avoir pas lieu d'être. Mais Heath, Heath il n'en est pas si sûr. « Tu faisais quoi, je te dérange pas ? »

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time’s gonna have the final sayw/@heathcliff coleman — tw: cancer, décès, deuil, enterrement.

Le bruit de la camionnette blanche s’arrêtant devant le portail attira son attention. Il entendit la porte latérale coulisser, les vieux gonds en ferraille de la boite aux lettres couiner, puis l’agent des services de poste remonta dans son véhicule pour continuer sa tournée. Péniblement, Moe s’extirpa du canapé dans lequel il stagnait depuis plusieurs heures, le regard vaguement intéressé par les images tapageuses que déversait le téléviseur. Le son baissé au minimum pour empêcher sa boite crânienne d’exploser, cette dernière était aussi bruyante qu’une fanfare un jour de match. Vu de l’extérieur, l’homme était calme, l’air apaisé, mais ses pensées ne cessaient de faire des bonds dans le temps, le ramenant à des instants chéris auprès de Julie, faisant résonner sa voix comme si elle allait apparaître subitement, sortant de la cuisine pour l’inviter à se mettre à table. La nuit, parfois, il lui semblait encore entendre la cacophonie incessante du bip l’électrocardiogramme mélangé au soupir du concentrateur d’oxygène, sur fond de sirène d’ambulance.

Sa main plongea dans le cylindre de métal pour récupérer trois documents : un prospectus pour l’inauguration d’une nouvelle salle de danse en centre-ville, un nouveau faire-part de condoléances qui allait rejoindre les nombreux déjà reçus au cours des semaines écoulées et une facture émanant du Stony Brook Southampton Hospital. Moe devait encore régler plus de 1 500 dollars de frais médicaux. Il soupira face à l’indécence du courrier. Julie était à peine enterrée, qu’il devait penser à s’acquitter des dettes pour les soins palliatifs. Foutu système américain. L’espace d’un instant, il ne put s’empêcher de penser que les choses auraient pu être différentes s’ils étaient restés en Nouvelle-Zélande. Peut-être même que les traitements auraient été meilleurs, qui sait ? Moe soupira de nouveau. Julie avait choisi de passer ses derniers instants aux États-Unis, en compagnie de sa famille. Ils avaient fait ce choix à deux, lorsqu’elle avait rechuté. A présent, elle n’était plus de ce monde et le veuf ne savait guère ce qu’il allait faire de sa vie.

Il s’était assis sur les marches du porche pour lire la lettre reçue d’une cousine vivant sur la côte ouest. Moe ne se souvenait guère l’avoir jamais rencontré durant les réunions de famille. Avait-elle été présente à leur mariage ? La mémoire lui faisait défaut. Un nouveau bruit de portière lui fit lever les yeux. Heathcliff, le neveu de Julie. Voilà une visite bien inattendue. L’oncle par alliance lui sourit, l’invitant de loin à le rejoindre. Il se leva pour l’accueillir. Sa remarque l’apaisa étrangement. Non, il était préférable qu’il ne lui demande pas. Pour toute réponse, Moe reprit son sourire habituel, celui qu’il affichait fièrement à longueur de journée. Moe savait faire semblant. Il passa un bras autour des épaules de son neveu. « Jamais, mon grand » lui dit-il, en tapotant l’épaule d’Heathcliff de façon paternelle. Il aimait profondément ce gamin. Il l’avait vu grandir au fil des années. C’était devenu un sacré bonhomme. « C’est gentil de passer. Je pensais que tu étais en compétition » songea Moe, qui le fit entrer dans la maison. L’intérieur gardait encore des traces de la veillée organisée pour l’enterrement de Julie. Sur la table de salon, des couronnes et des bouquets de fleurs remplissaient la moitié de l’espace. Plusieurs compositions avaient fané dans les vases. Moe n’avait pas pris le temps de s’en occuper. Il n’avait pas pris le temps de faire le ménage non plus. « Je t’offre à boire ? » demanda-t-il à son neveu, tandis qu’il allait ouvrir le frigo dans la cuisine américaine.

» (lexie) let the good times roll.
» We can find happiness even in the darkest times
» (1m), there's gonna be a fight.
» (2f), We gonna let it burn
» -- water under the bridge (arlo).

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IV / NOT THE SAME ANYMORE.

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