Depuis maintenant quelques années, Médée s’amuse toujours un petit peu de ces spots publicitaires pour produits féminins, parfums, maquillage, shampoing, lingettes hygiéniques. Vous savez ceux qui bien souvent mettent en scne une femme absolument magnifique qui parvient à accorder avec un grand sourire son boulot de cheffe d’entreprise, son rôle de maman et sa vie sentimentale. En tout cas, quand elle voit ce genre de publicités, l’européenne ne peut pas s’empêcher de comparer la fiction avec sa vie à elle… et les deux sont tout de même terriblement éloignées ! Si malgré le divorce et son travail très prenant, la petite brune d’un mètre cinquante sept est une mère exemplaire à qui on pourrait distribuer des lauriers, depuis sa séparation elle n’a en revanche pas eu de vraie relation stable et assez forte pour lui laisser imaginer un futur idyllique Mais le départ d’Abraham a été une vraie révélation pour la britannique qui aujourd’hui est bien plus ouverte d’esprit et se sent réellement elle-même, bien qu’elle n’ait pour le moment jamais encore parlé de sa bisexualité à sa famille et à son entourage. Mais si elle est incapable de trouver une relation sérieuse, malgré toute son envie de se poser et de gagner un petit train-train quotidien, l’egyptologue enchaîne les rélations plus ambigues et les décéptions voir les désillusions.

Néanmoins lorsque l’on a un grand cœur et l’intelligence suffisante, on parvient à en rire et à s’en servir pour rebondir et continuer la course, le combat même disons certains… Le lien très fort qu’elle a tissé depuis quelques années avec Constance est taillé dans le bois de cette ambiguïté qui fait tourner les têtes. Pour elle, Médée s’était mise à apprendre la langue des signes et elle attendait avec impatience chacun de leurs rendez-vous afin de lui montrer les nouveaux morts qu’on lui avait enseigné. Ce soir-là, aux alentours de 19 heures, elle quitte donc son atelier de langage des signes pour boire un verre avec sa jolie pianiste et justement lui faire le bilan de bientôt quatre mois d’apprentissage… Puisqu’elles s’étaient données rendez-vous au Murf’s Backstreet Tavernqui avait le mérite d’être proche à la fois de chez elles et de leurs lieux de travail. Néanmoins en rentrant dans le Pub Irlendais, elle reçoit un SMS d’excuse de sa comparse qui lui explique que son enfant étant malade, elle ne pourra pas la rejoindre. Dépitée et s’étant déjà approchée du comptoir, la Carrington fait finalement le choix de rester pour au moins se boire une petite mousse avant de récupérer son fils chez la voisine et passer une petite soirée au calme avec ce dernier.

Et alors qu’elle attend sa commande accoudée au comptoir, elle remarque immédiatement un visage familier… celui de Tòmas, il y a quelque temps, elle avait un petit peu flirté avec lui, mais cela n’avait pas été bien loin. Néanmoins ils étaient restés en contact et en de très bons termes. En entendant la question de l’écossais, Médée esquisse un petit sourire amusé tout en lui lançant un de ces regards pétillants dont elle a le secret… « Je me suis dis que je trouverai peut-être le prince charmant en faisant  le pilier de comptoir dans un Pub Irlandais, mais forcé de constater qu’on m’a mal conseillé… » Dit-elle d’un ton amusé et amusant tout en donnant une petite tape sur l’épaule du charmant quadragénaire. « En vrai je devais boire un verre avec quelqu’un mais cette personne a dû annuler… du coup je voulais quand même me boire une petite bière avant de rentrer chez moi ! Je te paie un verre ? » En général, ce sont les hommes qui paient des coups aux demoiselles qu’ils courtisent, mais Médée ne fait jamais rien comme les autres…

Médée se met à rire assez chaleureusement en entendant la première réponse de Tòmas, c’est plus fort qu’elle, même si leur relation n’a jamais été plus loin qu’un simple flirt d’un soir, même si elle n’ambitionne absolument plus d’essayer de séduire cet enfant maudit d’Hollywood, elle ne peut pas s’empêcher de lui trouver quelque chose, une classe très écossaise, un charme presque “James Bondien”... De fait, il aurait même pu lui lire l’annuaire, qu’elle se serait mise à rire comme une cruche. Mais plutôt que de passer pour une fangirl, la britannique se contente d’avaler une gorgée du vin blanc que le serveur vient de lui apporter… Elle se fait alors violence pour ne pas grimacer ! Quelle immonde piquette… et en même temps qu’elle idée de vouloir boire du vin dans un pub irlandais ! Éloignant discrètement son verre, l'égyptologue lance un regard plein de malice en direction de son ami et lui dit d’un ton joueur :

« Voyons Monsieur Tòmas Dunn, vous savez très bien que je ne me suis jamais vraiment remise du vent magistral que vous m’avez mis il y a quelque temps maintenant ! Heureusement que Madame votre sœur était là pour me ramasser à la petite cuillère ! »

C’est vrai qu’elle avait assez mal vécu le “stop” que lui avait mis l’acteur déchu. Mais au fond aujourd’hui elle ne lui en veut absolument plus et elle se contente de ressortir ce vieux souvenir pour pimenter la situation et taquiner un petit peu son interlocuteur. D’ailleurs au fond d'elle, Médée se dit qu’elle ne va pas l’embêter trop longtemps… Ce dernier ayant travaillé toute la sainte journée, elle ne veut pas qu’il se sente obliger de rester avec elle et qu’il se fatigue par la même occasion. D’ailleurs presque par réflexe elle regarde sa montre… ça va… il est encore tôt… Avalant une nouvelle gorgée de vin, sans vraiment d’envie, elle s’essuie discrètement la bouche et reprend l’air pensive :

« Mais blague à part, il y a quelques mois j’ai fait la connaissance d’une musicienne, une pianiste très talentueuse avec qui j’ai sympathisé. Et comme cette dernière est malentendante, je me suis mise en tête d’apprendre le langage des signes. Alors après chacun de mes cours on se rejoint ici pour que je lui montre comment je me débrouille et les nouvelles choses que l’on m’a enseigné ! Enfin… c’est amical hein !   »

Médée insiste énormément sur la fin de son petit discours. Elle n’a pas encore fait son Coming Out… elle ne se l’est même pas encore vraiment fait elle-même ! La brunette d’un mètre cinquante sept a encore du mal à réaliser qu’après avoir été mariée dix ans à un homme, elle peut être attirée par une personne du même sexe qu’elle… Mais quelque chose lui dit que Tòmas a dû voir clair dans son jeu. Néanmoins elle prend le temps de détailler le visage, les yeux, de son interlocuteur… et prend la décision de changer un peu de sujet… elle n’est de toute façon jamais très à l’aise quand on parle d’elle :

« Et toi mon petit MacBeth, ça n’a pas l’air d’être la forme non ? Je veux dire en dehors du fait que je t’empêche de rentrer chez toi après un long service… Tu sais, si tu as besoin…. »

Elle pose alors sa main sur l’une des joues du Barman, puis la pince et la tire très affectueusement. Latine de part sa mère, Médée ne pouvait s'empêcher de parler avec les mains, de toucher ses interlocuteurs, d'être en contact avec eux...

Si elle était de nature bavarde et qu’elle adorait raconter sa vie à ses deux ou trois amies les plus proches, Médée n’était pas pour autant du genre à raconter sa vie et ses amours aux gens et encore moins avec ses anciens crushs. Alors forcément quand Tòmas blagua sur sa possible bissexualité, l’européenne ne put s'empêcher de rougir et se sentit quelque peu gêner. Les joues rouges, elle chercha un moyen de rapidement botter en touche.  
« Tu aurais pu me prévenir avant que je commande cette immonde vinasse quand-même ! » Dit-elle sourire aux lèvres pour essayer de ramener la conversation sur l’alcool, un sujet qui finalement la gênais beaucoup moins. C’était un peu gros et au fond d’elle la britannique savait que Dunn allait voir clair dans son jeu, mais disons qu’elle voyait là une sorte de sortie honorable.

Heureusement Tòmas parla également de son mal être et de son envie de retrouver les plateaux de cinéma. De par sa relation avec Enea, Médée savait à quel point la fratrie Dunn avait souffert de l'égoïsme et de la malhonnêteté de leur père. Aussitôt la brunette esquissa un petit sourire compatissant et posa une main chaleureuse sur le bras de son bel interlocuteur. « Les amis sont la famille  qu’on choisit et surtout ils sont là pour nous remonter le morale n’est-ce pas ? » Phrase un brin bâteau mais qui reflétait assez bien, pour ne pas dire parfaitement la vision que l'égyptologue pouvait avoir de l’amitié. Une vision certes caricaturale et bisounours, mais qui avait tendance à se perdre dans cette société dirigée par l'égoïsme et l’argent.

« Tu sais Tòmas je suis sûre que tu vas retrouver les caméras, il faut juste que tu trouves les bonnes personnes ! Il y a bien quelques petits réalisateurs indépendants qui se fichent bien de savoir de qui tu es le fils non ? Puis tu t’es un acteur né… je suis là pour remonter le moral, mais aussi pour ne pas que tu noies ton immense talent au  fond d’un verre de scotch ok ?  »

Affirma-t-elle avec un grand sourire amical accompagné d’une petite caresse sur le bras du barman. Enea, Tòmas, les Dunn avaient un don et la figure maudite de leur père ne devait en aucun cas les mettre plus bas que terre et les laisser déprimer. Au fond Médée se sentait presque obligée de les remotiver et de faire en sorte  qu’ils réussissent leur rendez-vous avec le destin, la réussite..