T'as rien vu venir. Les opales perdues dans le vide, tu as l'impression que ton reflet ne te ressemble pas. T'as tellement pleurer que tes yeux te font mal, que les larmes ont cessée de couler d'elles mêmes. Tu comprends rien à ce qu'il se passe, parce que tout te sembles complètement irréel. C'est dur d'admettre qu'il est parti. Dur de s'avouer qu'il ne fera plus parti du paysage, que tu reverras plus jamais son sourire, que tu n'entendras plus ses bêtises. Ta poitrine s'est comprimée, tu as pris l'habitude de cette douleur, elle ne te quitte pas depuis ces deux derniers jours de toute manière. T'as pas dormis, t'as presque rien mangé. C'est peut être la première - et probablement dernière - fois de ta vie que ton père s'inquiète sincèrement pour toi. Ce sont deux petits coups timides contre la porte de ta chambre qui te sortent de ta torpeur. Tu as dormis chez tes parents, maman te voulait près d'elle avec cette épreuve. Tu ne peux pas lui en vouloir pour ça, et on peut pas dire que tu ai rechigné non plus d'ailleurs. Avec toute la douceur du monde, elle t'aide à nouer ta cravate avant de partir. Jamais de ta vie tu n'aurais pensé à assister aux obsèques de ton meilleur ami, observant la peine de sa famille à peine les pieds posés dans l'église. T'es livides quand tu t'avances, tout semble flou autour de toi, et tu ne suivais pas bêtement les autres membres de ta famille, tu te serais sûrement perdu dans la foule. Une messe que tu écoutes d'une oreille attentive. Si ton corps est bien présent, ton âme t'as quitté il y'a bien longtemps. Parce que ton petit cerveau refuse de digérer l'information, c'est bien trop brutal pour tes synapses. Et à la sortie, de nouveau, tes pas suivent sans réfléchir ceux de la cohue. Tu te laisses aveugler par le soleil avant que tes prunelles ne captent une blondinette, serrant ton cœur encore un peu plus. Les mains tremblantes, fourrées dans les poches, tu t'avances vers elle sans savoir quoi prononcer. Qu'est-ce qu'on dit à quelqu'un qui vient de perdre l'autre moitié d'elle même ? "Hey..." La voix est brisée, à peine audible, les lèvres toute aussi tremblantes que tes mains avant que tu ne soupires, fondant les bras de la demoiselle. La réponse est rien. Il n'y a rien à dire.

Les jambes tremblantes, la voix brisée, tu t'avances, cherches à fuir cette cérémonie qui te ruines autant l'âme que le cœur. Tu ne te rappelles pas de la dernière fois où tu as eu si mal, Clarke. Tout ce que tu as pu vivre n'es rien comparé à cette douleur. T'as la sensation d'avoir perdu ton frère. Incapable d'ingérer l'idée que tu ne lui parleras plus jamais. Les souvenirs de vos nuits à rire de tout et de rien, de ces films dont vous avez raillez le scénarios, de ces blagues vaseuses que vous vous faisiez au lycée. Tu n'es pas certain que tu parviendras à avancer. Moins certain encore qu'elle y arriva. Eden. L'autre moitié de ton frère, le yin de son yang, celle dont l'âme vient de se briser en deux, et toi, ça t'exploses. T'as le cœur en miettes quand tu lis sa peine dans son regard. Et tu ne sais pas quoi lui dire pour la réconforter. Y'a rien à dire, rien à faire. Rien qui pourrait lui ramener l'être qu'elle aime le plus au monde. Alors tu fonds dans ses bras, la serrant contre toi sans être sûr que c'est ce dont elle a vraiment besoin, là, maintenant. Peut être qu'en fait c'est toi qui en as besoin. Comme un automatisme, elle te remercie d'être là. T'as le regard qui se perd autour de vous, observant ces visages qui te semblent flous. Tu hausses les épaules à ses dires avant de lancer d'un naturel. "Il aurait détesté tout ça." Que tu sois là ou pas, il aurait haït l'entièreté de cette cérémonie. Tes prunelles se reposent sur la blonde, mordillant l'intérieure de ta joue entre peine et nervosité. "Désolé." C'est sortit malgré toi, dans un réflexe. Mais tu ne peux pas t'empêcher de te dire qu'il n'aurait jamais voulu de tout ce bordel. De ces inconnus qui se disent proches de lui. De ces pleurs, de ces fioritures. T'es même pas certain qu'il aurait voulu qu'on l'emmène jusque dans une église. Tu as à peine le temps de murmurer tes excuses que ta mère te happes, tandis ce que tu adresses un dernier regard à la blonde, la main portée sur son épaule avant de t'éclipser. Tu suis les autres, docilement, les synapses de nouveaux éteintes en observant ce cercueil qui te transperce la poitrine. T'as pas envie, Clarke, de suivre les autres. T'as pas envie de te dire que c'est là qu'Alex résideras jusqu'à la fin des temps. Dans le fond, t'es simplement pas prêt à lui dire adieu. Pourtant tes jambes avancent, tremblantes mais droites, prenant place aux côtés de ta famille tandis ce qu'un dernier éloge est fait à ton meilleur ami. Tes opales se perdent encore, cherchent la blonde des yeux, non loin de toi. Et le plus discrètement possible, tu te permets de te frayer un chemin. Tu te pose innocemment à côtés d'elle, sans le moindre mot, retenant tes larmes. Tu t'es promis de ne pas craquer. Pas devant elle, parce qu'elle a besoin de toi. Pas devant lui, parce que tu veux qu'il te vois comme ça. Et doucement, ta main se glisses dans celle d'Eden, la serrant aussi fort que vous avez mal, les yeux rivés sur la dernière demeure d'Alex. Le dos droit, les yeux embrumés, la poitrine comprimé aussi fort que ta mâchoire est contractée. Sa main bien agrippée à la sienne comme une bouée de sauvetage. Tu étouffes, Clarke. T'aimerais mourir, toi aussi.