w/ @Min-Hyuk Seok

La page blanche, tes iris se posent à nouveau sur cette page. L’inspiration ne vient pas, tu ne comprends pas, ça ne te ressemble pas. Tu avais des brides d’idées ce matin, mais là c’est le néant. Rien ne vient. Tu souffles de mécontentement, ne comprenant pas pourquoi ça ne vient pas. Pourquoi tu n’arrives pas à poser les mots sur cette page. Pourquoi ton esprit reste embrumé. Tellement de questions et aucunes réponses qui ne semblent venir à l’horizon. L’agacement et la fatigue commencent à prendre le pas sur ton moral, tu sais qu’il faut que tu arrêtes de tourner en boucle. Tu le sais. Sauf que tu essaies une nouvelle fois, gribouillant sur ce maudit carnet. Toujours rien. Tu arraches la page et balances le papier à l’opposé de toi. Petit juron qui s’échappe de tes lippes. Oubliant un bref instant que tu n’es pas chez toi. Ironie du sort, tu te sens chez toi ici, mais ce n’est pas ta maison. Pas ton fief. Tu ne peux pas faire ça, regardant où la boule de papier à glisser, vers le comptoir. Il ne manquait plus que ça, sauf que tu n’as pas le temps de te lever pour la rattraper, on le fait pour toi. Tu te sens stupide pour le coup. Ce n’est pas dans tes habitudes de ‘saccager’ un lieu, saccager est un bien grand mot, tu as juste jeter une boule de papier. Rien de bien méchant, mais cela ne te ressemble pas. Tu es assez ordonné comme gars, surtout quand tu n’es pas chez toi. Là tu as juste laissé la passion prendre le dessus sur toi, l’engouement de l’écriture ou plutôt l’agacement de la page blanche. Petit sourire désolé sur ton visage, « pardon je me suis cru chez moi l’espace d’un instant, » la boule qui finit sur ta table. Tu le remercies, il ne s’attarde pas vraiment, te resservant une tasse de thé au passage. « merci, » tu souris de nouveau, mais plus sincère, plus chaleureux. Pas besoin d’excuses pour le coup, juste toi et ta façon d’être. Tu essaies de reposer ton cerveau le temps d’un instant, songer à autre chose. Oui mais quoi ? Ta vie est assez en bordel en ce moment, au point que tu n’as pas envie d’y songer. Cette partie de toi reste dans une boîte, loin de toi durant la journée. C’est déjà assez dur le soir quand tu rentres, enfin pas tous les soirs, n’exagérons rien non plus. Ce délicieux breuvage te fait du bien, calmant tes pensées négatives, mais surtout ton esprit. C’est vrai qu’il est reposant cet endroit, ces produits, tu te sens bien ici. Trop bien, puisque tu prends tes aises. Ton stylo qui reste sur le carnet, l’impression qu’il te nargue, tu lui tires la langue. Ton regard qui s’égare sur la boutique, peu de gens sont là aujourd’hui, rien de bien inquiétant. Au fond de toi, tu ne fais pas ça, juste pour te détendre, tu sais que tu cherches une inspiration, une idée qui débarque comme on claque les doigts. Désespéré par la situation tu finis par poser ton regard vers le patron, accoudé au comptoir,  intrigué que tu es. Tu souris en voyant sa lecture, une couverture que tu reconnaîtrais entre mille. Hésitant un instant, tu finis par prendre ta tasse et partir dans sa direction. « bonne lecture ? » que tu demandes l’air de rien. Surpris de voir ce livre ici, heureux qu’il le lise. Parce que tu l’aimes bien ce proprio, un gars simple et gentil. « merci pour le thé et encore désolé pour le papier. » tu poses la tasse sur le comptoir, un peu désolé de l’avoir stoppé dans sa lecture, mais l’envie. L’envie de parler, l’envie d’avoir un retour. L’envie d’échanger sur ton livre, sans qu’il le sache…

w/ @Matt Flanders

Le café n’est pas bien rempli en ce début d’après-midi, mais ça ne t’inquiète pas. Dex et toi n’avez pas de mal à joindre les deux bouts en fin de mois. Votre commerce fonctionne bien et c’est une sacrée fierté pour vous deux. Tu es tout seul de ton côté du G&S Delight. Tu t’affaires ici et là, ton tablier noué à ta taille et un torchon propre sur l’épaule. Tu es dans ton petit monde, t’apprêtant à apporter de l’eau chaude à un client pour son thé, quand une boule de papier atterri à tes pieds. Tu cherches du regard la provenance du projectile. Tu arques un sourcil en reconnaissant l’un de tes clients régulier. Il arbore un air contrit. Tu ramasses la boulette et t’approches de sa table où tu la déposes délicatement. Un sourire désolé se dessine sur son visage alors qu’il te présente ses excuses. « Vous passez tellement de temps ici que ça ne me surprend pas. » Tu acquiesces d’un signe de tête avec un léger rictus amusé avant de lui resservir un peu de thé. Il te remercie et tu repars tranquillement t’occuper d’une autre table. Tu aurais pu t’attarder davantage, d’autant plus que tu as pris cet incident comme un compliment. Le fait qu’un habitué se sente suffisamment à l’aise dans ton café pour faire comme chez lui te rend réellement heureux. Et puis, on ne va pas non-plus se mentir, il ne s’agit pas de n’importe quel habitué. Tu ne saurais expressément dire pourquoi, mais il t’intrigue beaucoup. Il y a quelque chose chez lui qui te fait tiquer. Sa concentration te fascine. Ce qu’il dégage t’attire. Un peu comme une abeille avec du pollen. Cependant, tu n’as pas particulièrement été au contact. Préférant rester sur la réserve et l’observer de loin - de manière tout à fait non-stalkery by the way.

L’après-midi continue comme il a commencé : calmement. Il ne reste bientôt plus que le client à la boulette entre tes murs. Il faut dire qu’il fait si beau dehors que les gens sont probablement plus affairés à se balader qu’à rester enfermés - ce que tu comprends. Cela dit, tu es bien dans ta boutique. C’est sans aucun doute l’endroit que tu préfères sur cette planète. Familier et cosy. Tu en viendrais presque à envier Dexter qui habite juste au-dessus. Presque, parce que tu sais que tu finirais par ne plus jamais sortir de ton trou et ça ne serait pas bon pour toi. Devant l’absence d’animation dans le café, tu finis par sortir ton livre du moment. Accoudé au comptoir, tu bouquines tranquillement, levant les yeux de temps à autres pour t’assurer que tu n’es pas demandé quelque part. Seulement, la porte de la boutique demeure fermée et ton charmant client semble bien trop pris à tirer la langue à son calepin. Un sourire prend place sur tes lèvres face à cette vision. Tu le trouves vraiment attachant. Tu te replonges dans ton roman sans te douter que le jeune homme en a finalement eu assez de rester assis. Il s’approche de toi et t’interroge sur ton bouquin. Tu relèves la tête surpris alors qu’il dépose sa tasse sur le comptoir. « Franchement, ouais, c’est pas mal. Ça se lit tout seul et je trouve que les personnages sont particulièrement bien construits, » réponds-tu simplement avec un sourire. Tu prends ton marque-page et l’insères dans ton livre avant de le fermer. « Je vous resserre quelque chose ? » lui demandes-tu en pointant sa tasse du thé. « Vous en faites pas, c’était plutôt gratifiant pour le coup. Je suis ravi de savoir que vous vous sentez chez vous ici. » Un nouveau sourire vient illuminer ton visage. Tu es content de lui parler. C’est bête, mais ça te fait du bien. Tu te sens comme irradié par son aura. Ce qui est pour le moins surprenant et étrangement satisfaisant.

w/ @Min-Hyuk Seok

Ce n’est pas dans tes habitudes la page blanche, mais là tu dois bien reconnaître que rien ne vient. Tu ne comprends pas ce qu’il se passe dans ta tête, pourquoi ce vide. Pourquoi tu n’arrives à rien. Les idées germent dans ta tête, mais n’arrivent pas à s’aligner sur la feuille. Oui, tu n’y comprends rien. Pourquoi maintenant ? Est-ce que c’est lié à ta situation ? Éventuellement, tu sais que tes priorités divergent, mais tu as envie de croire que ce n’est pas ça. Que rien ne va changer. Espérons,  tu soupires à nouveau, regardant les alentours. Rien. Les gens passent et continuent leurs vies, tout ce qu’il y a de plus normal.. tes iris finissent par se poser sur le propriétaire des lieux. Un gars simple qui s’occupe bien de ses clients, tu le sais, ici c’est ton fief. Tu te sens bien dans ces lieux, un peu comme chez toi. Peut-être trop, vu le bazar que tu y fais, ce qui n’est pas dans tes habitudes, mais bon tu es pris dans ta spirale. La spirale du néant, soupirant pour la énième fois, la tasse vide, tout comme ton esprit. Tu finis par sourire en voyant la situation, pourquoi pas après tout. Voilà ce que tu te dis, pourquoi ne pas lui parler ? Tu n’as rien à perdre et puis surtout tu as envie d’écouter ce qu’il peut te dire. Tu aimes discuter sur ton livre sans que personne ne sache que tu en es l’auteur.  C’est ça qui te plaît dans l’anonymat, le fait de pouvoir en parler librement et d’avoir les avis, les retours des gens. Qu’ils soient négatifs ou pas. Des mots qui te plaisent, des arguments que tu as souvent entendus, mais ce n’est pas dérangeant. « merci je veux bien un autre thé, je plaide coupable d’en être accroc. » venant te poser face à lui, tu souris face à ses mots, il est vraiment gentil et tu sens que c’est sincère. « Je pense que c’est le but de votre lieu ? » que tu rétorques, posant ton cahier sur le comptoir. Il est vrai que tu aimes venir ici, c’est chaleureux, conviviale, à l’abri des regards indiscrets. Et puis ici tu te sens vraiment comme chez toi, une seconde maison, un endroit qui t’inspire, loin de ta vie quotidien. Hormis Jackie personne n’est au courant de ta passion, de ton côté écrivain, y a bien elle. Elle qui fait prisonnier ton cœur, mais c’est différent. Tu ne sais pas si elle les aime vraiment.. « alors des personnages bien construit ? J’aime bien le personnage masculin, assez surprenant et différemment de ce qu’on a l’habitude de voir. » relançant la discussion sur ton livre. Tu as envie d’en savoir plus, qu’il te dise le fond de sa pensée. Ça te plaît de lui parler, c’est un mec simple, sans chichi. « ça fait longtemps que vous êtes dans le coin ? » que tu demandes l’air de rien, envie de discuter simplement, sans prise de têtes. Puis ça te permet de mettre ton cerveau en mode pause. L’inspiration reviendra peut-être..

w/ @Matt Flanders

Ce sourire qui ne quitte pas tes lèvres. Un éclair de fierté qui traverse tes yeux. Tu sors la carte des thés de derrière le comptoir et la tends à ce client que tu t’es habitué à avoir dans les parages. « Je sais pas si on vous le savez déjà, mais tous les thés proposés sont faits maison, » lui dis-tu, te retenant d’ajouter que tu en es le seul et unique producteur. Ce n’est pas dans tes habitudes de rester aussi humble. Tu aimes récolter le mérite de ton dur labeur, seulement avec lui, tu préfères rester précautionneux. L’idée qu’il puisse te trouver prétentieux t’angoisse complètement. En fait, tu veux juste lui faire une bonne impression. En général, tu te fiches pas mal de l’idée que les gens peuvent se faire de toi. Mais lui, tu ne sais pas, tu ne le mets pas dans le même sac que les autres. De toute façon, on ne va pas se mentir, qu’il se sente ainsi, comme chez lui dans ton café, ça a fait ta journée. Il flatte à nouveau ton égo, soulignant que c’est probablement ton but : que les gens se sentent à l’aise. Tu ris de bon cœur en lui répondant. « Oui, bien sûr. Si on se sent bien quelque part, on a envie d’y revenir. Et ça me fait toujours plaisir de reconnaître des visages parmi nos clients. » Tu t’affaires à préparer le thé qu’il t’a indiqué sur la carte. Une théière, de l’eau chaude, des feuilles et baies séchées. Rapidement, tout est prêt et tu installes le récipient contenant l’eau frémissante sur le comptoir en face de lui. Il reporte alors son intention sur ta lecture du moment, reprenant tes mots prononcés quelques instants plus tôt. Il te donne son avis sur le protagoniste masculin ce qui te fait sourire d’un air suspicieux. « Vous saviez donc que c’était une bonne lecture avant même de me le demander, » conclus-tu avec amusement. Tu ne rebondis pas sur ses propos, n’ayant rien à ajouter de plus que ce qu’il vient d’énoncer. Tu n’as pas l’habitude de parler des livres que tu lis. Dans ton entourage, il n’y a pas nécessairement de gros lecteurs et quand bien même, c’est un sujet que vous aborder rarement. Tu ne sais pas comment en parler et ne te sens pas réellement légitime pour critiquer ou approuver tel ou tel procédé d’écriture. Il te demande alors si tu es dans le coin depuis longtemps. Sa question te surprend et tu n’es pas sûre de comment l’interpréter. Tu passes une main dans tes cheveux comme pour t’aider à réfléchir. « La boutique ou moi ? » demandes-tu en riant doucement. « On a ouvert le Delight, ça fait cinq ans maintenant. Mais je suis arrivé dans les Hamptons quand j’étais gamin. » Tu hausses les épaules avant d’ajouter avec un sourire en coin : « Vous êtes nouveau par ici vous, je me trompe ? » Tu fais bien sûr référence à son accent très prononcé. Il faut dire qu’il est difficile de passer à côté.

w/ @Min-Hyuk Seok

« Je sais pas si on vous le savez déjà, mais tous les thés proposés sont faits maison, » fierté que tu sens dans sa voix, mais il sait rester humble. Tu apprécies ça, tu ne perds pas ton sourire, content de partager ce petit moment. « De mémoire, je crois qu’on me l’a déjà signalé, mais c’est une information toujours bonne à savoir. C’est vous qui l’auteur ? » te hasardes-tu à demander, même si au fond de toi, tu connais déjà la réponse. Tu humes la tasse qu’il vient de te resservir, t’expliquant son procéder et surtout sa dernière création. « ça sent vraiment bon, » que tu rajoutes doucement, plus pour toi que pour lui. Oui tu aimes bien cet endroit, tu t’y sens vraiment comme chez toi. Y a un je ne sais quoi dont tu ne saurais dire, expliquer, c’est simple. Tout comme lui, tu apprécies tout ça. Pas besoin de prendre de gant, de faire de chichi, pas comme ses endroits ou elle t’emmène, son monde. Pas le tien. Toi t’es un gars simple dans le fond, tu as eu la chance de côtoyer l’élite et d’y être accepté, mais tu restes ce petit gars d’ailleurs. Celui a l’accent prononcé, ne reniant pas tes origines pour autant. Se rappeler d’où l’on vient, permet de garder les pieds sur terre, ça tu l’avais dit à Jack lors d’un rendez-vous avec ton éditeur. C’est aussi pour ça que tu ne désires pas que ton véritable nom apparaisse sur tes livres. Tu veux garder ton monde tel qu’il est, même s’il est rare qu’on reconnaisse un auteur. Tu n’es pas J.K Rowling et clairement tu n’aimerais être à sa place aujourd’hui. « Et vous c’est quoi votre autre endroit favoris ? Vous connaissez le mien, » que tu lui lances sur le ton de la plaisanterie. Comme ci c’était un secret, après tout ici c’est ton jardin secret, tu te gardes bien d’amener ton entourage. Pas que tu veuilles pas leur faire goûter les délicieux mets, mais l’envie d’être égoïste, de garder ce petit havre rien que pour toi. Tu pars du principe que chaque être humain à son jardin secret, son endroit à lui, pour s’évader loin du tracas quotidien. La discussion continue sur un autre de tes sujets favoris : ton livre. Ce qui t’a amené à venir lui parler, sa lecture du moment. Toujours à l’affût des avis, des interprétations, peut-être une sorte de flatterie ou que autre. Tu aimes bien. « Je plaide coupable, je l’ai lu et le fait que vous le lisiez m’a donné envie de venir vers vous. » dis-tu en baissant les yeux. S’il savait.. s’il savait que tu avais plus que le lire, qu’actuellement tu bloques sur la suite. La fameuse page blanche, ce qui te chagrine et t’agace. Il est rare que tu sois en ‘panne’, que tu bloques pour écrire. Faut dire qu’en ce moment, ta vie est un peu chaotique. « J’aime beaucoup le personnage principal et sa complexité à faire un choix. » poussant le vice jusqu’au bout, tu veux qu’il te parle du livre. Tu veux connaître son avis sur la question et pas juste quelques mots. Comment le faire parler sans paraître lourd ? Là tout le mystère . Pour l’heure tu te contentes de lui parler, l’envie de rester à ses côtés, parce que tu te sens bien. « Oui et non. » que tu lui dis en souriant, parce qu’il a remarqué, entendu. Étranger que tu es, mais tu le vis bien. « Je suis venu pour mes études y a quelques année de ça, et puis j’ai fini par succomber au charme du pays. Aujourd’hui je suis là pour .. » elle ? Son visage qui apparaît, mais la peur qui ronge ton estomac. « la vie, » que tu préfères répondre. Parce que tu as construit ta vie ici au final, que tu ne mens pas. « en tout cas c’est une chouette boutique, vous pouvez être sacrément fier de vous. » compliment pensée et sincère que tu lui tends, buvant une nouvelle gorgée de ce doux nectar. Oui tu es bien, très bien même.

w/ @Matt Flanders

La question que tu attendais inconsciemment. Est-ce le fruit de ton dur labeur ? Sans même t’en rendre compte, tu te redresses légèrement. Empli de fierté. A nouveau, tu esquisses un sourire. « Oui. Je sais pas trop comment c’est venu, mais j’ai commencé à m’intéresser aux thés et rapidement, je me suis retrouvé à faire sécher mes propres ingrédients. Si vous voyiez mon appart, il y en a partout ! » Tu plaisantes, mais tu n’exagères pas pour autant. Ton frère te le dit souvent, chez toi, c’est tout un univers. Des odeurs de partout, toutes plus différentes les unes que les autres. Toujours plus agréable qu’un petit tour dans une parfumerie nauséabonde, mais tu comprends que ça puisse en dérouter plus d’un. En parlant d’odeur, ton client favori hume le breuvage que tu as déposé en face de lui et en complimente son arôme. Tu acquiesces d’un signe de tête. « Merci, » réponds-tu simplement. Tu reprends une position un peu plus décontractée, t’accoudant sur le comptoir. Et voilà qu’il te flatte à nouveau, t’avouant que ton café, ton charmant havre de paix se trouve être son endroit préféré. Ton sourire qui se déplace sur le coin de ta bouche. Tu es fier, mais gêné. Tu en rougirais presque. Et puis sa question te frappe. Ton autre endroit favori. Il t’a démasqué. Tu détournes le regard, le posant rapidement sur la porte d’entrée comme si tu t’attendais à voir débarquer un client d’une seconde à l’autre. Le regard évasif. « Je passe quasiment tout mon temps entre le café et chez moi, » avoues-tu avant d’ajouter : « Mais si j’ai besoin de changer d’air, je vais voir ma grand-mère dans son restaurant. » Que ce soit pour filer un coup de main en cuisine ou pour déguster un bon petit plat, tu apprécies toujours de passer des heures là-bas. Parce que ta grand-mère, c’est ton héro, une véritable bouffée d’air frais et que la voir te fait du bien. Tu te rends compte, d’ailleurs, en prononçant ses mots que ça fait un moment que tu n’es pas allé lui rendre visite. Tu l’appelles régulièrement, mais ce n’est pas pareil. Tu le notes dans un coin de ta tête.

Tu te félicites pour le choix de ta lecture. Est-ce qu’il serait venu te parler si tu avais décider de prendre un autre livre avec toi ce matin ? Tu ne le sauras possiblement jamais. Le jeune homme enquille sur le protagoniste du roman. Tu te sens mal l’aise. Parce que tu as beau aimer lire, tu estimes que tu ne sais pas parler de tes lectures. Tu te grattes l’arrière de la tête. « Je sais pas. Il donne plutôt l’impression de savoir ce qu’il veut, mais de pas assumer les conséquences que ces choix peuvent engendrer. J’pense que dès le début, il sait qu’il va devoir faire exploser le port de plaisance, mais il lui faut quinze chapitres pour trouver comment assumer devant les autres qu’il va sacrifier des innocents pour sa cause. » Tu tentes quelque chose. Honnête. Fidèle à toi-même. Mais tu ne serais pas contre un changement radical de sujet. Tu hausses les épaules. « Enfin, c’est mon avis, » ajoutes-tu finalement, comme pour mettre de la distance avec les propos que tu as tenu quelques secondes plus tôt. Puis la conversation dévie sur ce que vous faites-là, dans les Hamptons. Toi avec ton café et lui avec son accent bien britannique. Il t’explique qu’il est venu aux Etats-Unis pour ses études et qu’il a ensuite décidé d’y rester. L’espace d’un instant, tu vois son visage s’assombrir. Une réalité moins sympathique qui se cache derrière ce regard triste. Mais c’est si bref que tu te demandes si tu ne l’as pas simplement imaginé. Avant que tu ne puisses rebondir sur un seul de ses mots, il enchaine, te félicitant pour le Delight. Un léger sourire sur tes lèvres. « Merci. Avec mon compagnon d’aventures, c’était notre rêve de gosses. On s’était promis d’ouvrir un commerce ensemble. Et on ne pourrait pas être plus heureux de la tournure qu’ont pris les choses. » Ton compagnon d’aventures, ton associé, ton meilleur ami … tellement de mots pour définir Dexter. Mais il est ce qu’il est. Un coup de foudre amical. Un lien qui vous parait inébranlable à tous les deux. « Et sinon, qu’est-ce que vous écrivez ? » lui demandes-tu en pointant son calepin du doigt. Tu es curieux parce qu’il se promène toujours avec - chaque fois qu’il vient au Delight tout du moins. Inséparables. Tu te demandes ce qu’il en est. Journaliste, peut-être ? Ou pourquoi pas poète à ses heures perdues ?